• Opening night - Bouffes du Nord 08-5-2019

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     Petite critique que j'ai faite pour le service culturel de ma fac ! enjoy~ C'est la première fois que j'allais au théâtre ! Voir Isabelle Adjani était vraiment un honneur, surtout que je l'adore tellement !

    Opening night, quoi de meilleur pour rendre hommage au film de John Cassavetes que de le mettre en scène ?

    Cette pièce nous raconte l’histoire de Myrtle Gordon, une comédienne hantée par la mort d’une jeune admiratrice de 17 ans morte sous ses yeux, à la sortie de sa pièce. À la suite de cet évènement, l’actrice est incapable d’interpréter son rôle et perd sens à la vie. Il s’agit là d’une mise en abyme du théâtre lui-même. Adjani interprète le rôle de Myrtle, cette comédienne qui échoue à assurer son rôle. La mort de la jeune fille est représentée au début uniquement sur l’écran. Elle est d’autant plus saisissante puisque la jeune fille semble être le sosie de l’actrice. Ce rôle est en effet joué par la cousine d’Isabelle Adjani. Cette ressemblance peut être aussi symbolique, puisque le rôle qu’est supposé joué Myrtle est celui d’une femme qui regrette sa jeunesse perdue. La mort de la jeune admiratrice serait-elle la mort symbolique de la jeunesse de l’actrice ? Cette mort aurait-elle réveillé en elle des peurs enfouies ? La pièce ne donne pas de réponses.

    Ce n’est pas une mise en scène habituelle. Derrière le décor rudimentaire de la scène, on voit un énorme écran qui capte en temps réel les mouvements des acteurs, mais aussi ce qui se déroule dans les coulisses. Cette technique intéressante liant le cinéma et le théâtre permet au spectateur de mieux se représenter les évènements sur scène. Elle permet également un dédoublement de l’action qui appuie l’effet répétitif et redondant de la scène, certainement voulu par le metteur en scène pour symboliser les deux niveaux de réalité.

    La pièce se présente sous un aspect brouillé et décousu. Par ailleurs, Magny interprété par Morgan Lloyd Sicard et jouant le rôle du metteur en scène souligne cet aspect lors d’un appel téléphonique avec sa mère où il décrit la réaction des spectateurs. Il dit clairement « On dirait qu’Il y a la moitié du public qui aime et l’autre qui déteste ». Cette oscillation incessante entre différents niveaux de réalité -la pièce cadre et la pièce intégrée-, brouille les perspectives et désoriente le spectateur. Elle permet aussi d’évoquer des questions d’ordre dramatiques. Notamment sur la nature du théâtre en lui-même. Cet enchâssement est très bien représenté par la technique du cinéma dans le théâtre, à travers le camera man qui ne cesse de poursuivre les acteurs, comme pour représenter sur l’écran une réalité différente de celle qui se joue sous nos yeux.

    Le spectateur est au centre de l’action, il voit la pièce se construire sous ses yeux. Il participe même à son déroulement, puisque les personnages s’adressent parfois directement à lui et se déplacent autour de lui. Cette place privilégiée du spectateur est amorcée dès le début. La pièce commence sur un grand plan sur le publique que l’objectif de la camera capture. Le spectateur se voit sur le grand écran, il est sollicité et mis à l’avant. Cette place importante qu’occupe le spectateur nous porterait peut-être à croire qu’il n’y a pas de sens définitif à tirer de cette pièce. Qu’il n’existe pas une manière unique de la comprendre mais que le spectateur est appelé à y voir ce qu’il désire, d’où cette richesse de perspectives.

    Les personnages sont énigmatiques, à la fois drôles et pathétiques, tout comme les situations. En effet, la pièce mélange comique et pathétique, parfois nous avons même les deux dans une même scène ce qui crée une dimension grotesque. Cet aspect en plus d’être divertissant pousse le spectateur à se questionner sur la véracité du théâtre. Il voit à la fois l’acteur et le personnage. Un des grands mérites de cette pièce est donc sa métathéâtralité, elle se prend elle-même comme objet de réflexion en sacrifiant l’illusion théâtrale. L’ambiguïté atteint son paroxysme surtout avec le personnage de Myrtle.

    Ce soir, nous ne savons pas si c’était elle qu’on voyait ou si c’était Isabelle Adjani. Elle apparait dans toute sa vulnérabilité et sa fragilité, brouillant les limites entre le jeu et le réel. Son jeu est entièrement marqué par l’expression forte de l’émotion. Cette hésitation pourrait être expliquée par la ressemblance frappante entre Adjani qui joue Myrtle et sa nièce qui interprète l’admiratrice, mais aussi par la ressemblance entre son rôle de « star » et sa propre identité en tant qu’actrice.

    Opening night pourrait ainsi être interprétée comme une pièce autobiographique où Adjani s’offre au spectateur et évoque ses propres craintes. Cette ambiguïté s’étend aussi aux rapports entre les personnages qui sont sans cesse remis en question. La relation d’amour et de haine entre Myrtle et Maurice ou encore la relation de Myrtle et du metteur en scène Manny. Nous ignorons tout de la vérité des sentiments des personnages. Encore une fois, le metteur en scène choisit de ne pas choisir. Le public est censé remplir ces zones de vide et de brouillard par sa propre imagination.

    Opening night est donc une pièce énigmatique et ouverte. Elle offre au spectateur le privilège d’assister à la construction d’une pièce sur scène, ou plutôt à la déconstruction du théâtre sur scène. Elle l’invite également à prendre part à cette déconstruction. Elle soulève des problèmes d’ordre dramatique mais également des problèmes humains. Elle brouille les pistes entre le vrai et le faux, le jeu et la réalité. Cyril Teste nous présente encore une fois avec cette pièce un morceau de bravoure qui propose un théâtre nouveau non seulement du côté de la technique mais aussi du côté de l'originalité des thèmes évoqués.


  • Commentaires

    1
    Mardi 28 Mai 2019 à 13:36

    Ca ressemble plus a une analyse qu'une critique, j'ai l'impression. ^^ En tout cas c'est intéressant, ça donne assez envie de voir la pièce!

    2
    Mardi 28 Mai 2019 à 14:45

    Je ne sais pas ce que tu entends par critique mais dans le cadre du diapositif du service culturel je pense que ce qu'ils attendent c'est d'éviter toute appréciation très subjective. Il s'agit surtout d'une étude des différents thèmes/techniques mises au point et de ce que cela peut apporter au spectateur =) 

    Sinon oui c'était franchement pas mal o/ mais bon, un peu désorientant quand même, je pense que ce n'est pas pour tout le monde :p

    3
    Mardi 28 Mai 2019 à 16:04

    Je sais bien, je faisais la remarque par rapport a ta petite note au début: "Petite critique que j'ai faite pour le service culturel de ma fac ! enjoy~" Du coup je pensais voir plus ton avis qu'autre chose. (j'ai pas été déçu pour autant hein)

    Bah, regarder du théâtre c'est pas spécialement mon truc mais quand c'est bien fait et que tu peux te faire ta propre interprétation c'est cool. :) 

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