Mes doigts tremblent encore un peu, mes doigts me rongent, une envie d'écrire, de produire, ou plutôt de fixer l'instant présent, ce présent qui est déjà passé, ce présent que cette moi du futur me remercie d'avoir gardé. J'ai envie de l'immortaliser, parce que la vie réside dans ces petits moments qui nous dépassent, où l'on fini la même citation de Cioran, ou même où je sais de quelle citation tu parles avant même que tu le dises. Ca me fait juste tellement plaisir de savoir que je ne suis pas seule, de savoir qu'il y a tant de gens qui se sentent seuls et qui se voient en moi, qui se sentent compris ou plutôt sentis, et j'ai envie de tous les réunir entre mes bras, de les conforter et de leurs dire que je suis là et qu'ils sont là et qu'on se comprend dans notre incompréhension. 

Voir quel impact je peux avoir sur la vie de quelqu'un juste avec quelques mots, just en bougeant un pion, en offrant une clé, un livre, une citation, est un plaisir narcissique, mais aussi un geste de grâce et de reconnaissance. Parce que j'ai envie de ce partage, j'en ai besoin pour grandir et pour qu'on grandisse avec moi. Toutes ces expériences et ces choses qu'on se dit, qui flottent, qui nous forgent, qui créent la magie du moment, la magie du "tilt", du "c'est ça, c'est tellement ça".

"You are made from the stardust of the same star"

Qu'est ce que le sens de ma vie ?

Etre artiste, n'est-ce pas après tout être créateur de magie ? Etre artiste, se dire artiste, qu'est ce que c'est au fond ? N'est ce pas tout simplement être conscient de sa mortalité, n'est-ce pas de voir la beauté où les autres échouent à la voir ? N'est-ce pas voir le monde avec des yeux d'observateur ? Le sentir dans sa peau, sous sa chair, dans ses os ? Je voudrais être créatrice. Je voudrais être magicienne, je voudrais que mes mains tissent et cultivent ces moments magiques qui flottent dans l'air et qui nous échappent. Je voudrais montrer à voir à travers mes propres yeux aux aveugles, je voudrais être une clef qu'on glisse dans la serrure et qui ouvre des portes inconnues. Ma recherche de sens trouve son sens à mesure que je vis, à mesure que je me montre, à mesure qu'on me regarde. Et moi je meurs d'envie d'être regardée, je meurs d'envie d'être explorée, de donner à voir et de donner à explorer. Je voudrais simplement partager cette joie que j'éprouve, ce sentiment qui m'enflamme l'être, je voudrais juste organiser ce chaos, apaiser cette angoisse d'être et de vivre. Je voudrais être ce baume sur le cœur de ceux qui ne demandent qu'à être éclairés. Moi qui suis si égoïste, n'est-ce pas au fond un désir altruiste ? Est-ce là le sens de ma vie qui se dessine sous mes doigts et que je n'ai qu'à saisir ? Et je le saisis, car dans le flot de ma vie je sens quelque chose qui me dépasse, je sens ces moments qui me murmurent ma différence et qui me la renvoient à la gueule. Je sens cette envie de grandeur, cette envie de compréhension, ce désir presque nudiste de donner, de me donner, de m'offrir. De crier comme le christ "voici mes mots que je vous offre, ils sont ma chair, ils sont mon sang". La vie passe et à mesure qu'elle défile je vois le tableau se dessiner sous mes yeux ébahis et chaque trait semble juste être à sa place. 

Je t'aime, malgré et pour ta différence. Quand tu ne saisis pas mes références, car tu ne fais pas de révérences quand il n y a pas besoin d'en faire. Je t'aime car tu ne te laisses pas te défaire face à mes traits trop appuyés, car tu ne te laisses pas intimider par la grandeur de mes espérances et mes ambitions d'enfant gâtée. Je t'aime car les mots échouent à dire combien je le fais car j'ai si peur que tu ne sois pas parfait mais si j'avais à te refaire je te ferai de la même manière tant on dirait que le créateur t'a crée rien que pour me plaire. Il est vrai que je me laisse me distraire, il est vrai qu'entre tes mots je me perds dans mes désirs trop renforcés et dans la peur d'être forcée. Car je veux tout et rien à la fois, car j'attends tant de toi en oubliant que je suis tout aussi humaine que toi. Je t'aime car à travers tes yeux je me vois renaître comme si je me voyais pour la première fois, comme si je rencontrais la foi. Une foi en tes mots qui sont maîtres de mes maux, une foi en ta parole si différente de la mienne mais qui résonne en moi. Je t'aime pour tous les mots que tu me dis sans me dire, moi qui suis maîtresse des mots, je deviens muette face à toi car tu n'as même pas besoin de mots pour m'éblouir à chaque fois. 

J'ai envie d'écrire, de fixer le moment présent qui m'échappent entre les doigts comme du sable. J'ai envie d'immortaliser les choses, j'ai envie de défier le temps qui passe, j'ai envie de tellement de choses que ça me rend folle. 

J'ai l'impression que dans mon état d'euphorie, et que dans cette orgie intellectuelle je suis à un buffet où tant de choses me sont présentées et où je suis simplement submergée par la diversité de ces mets délicieux, tant que j'ai envie de tous les essayer, mais mon estomac ne peut pas contenir tant de nourriture.